Depuis deux ans, plusieurs grandes entreprises réorganisent leurs équipes en misant sur l’intelligence artificielle (IA). Résultat : moins de postes dans certaines fonctions, redéploiements ailleurs… et, souvent, une réaction positive des marchés financiers quand l’annonce est perçue comme une baisse durable des coûts.

Amazon, le signal fort
Fin octobre, Amazon officialise environ 14 000 suppressions de postes “corporate”. Le groupe lie cette réorganisation à un recentrage (management plus léger, décisions plus rapides) dans un contexte d’accélération des usages d’IA. Le jour de l’annonce, le titre gagne un peu plus d’1 %, signe que les investisseurs y voient des économies crédibles et un cap stratégique lisible. Dans la même séquence, des sources de presse ont évoqué jusqu’à 30 000 suppressions possibles sur une phase élargie, ce qui a nourri le débat sur l’ampleur réelle du virage (France-Info).
D’autres géants, même équation : IA, productivité… et arbitrages humains
Chez SAP, le plan 2024 a “impacté” environ 8 000 postes (mobilités internes, requalification, départs volontaires) pour réallouer vers l’IA. Le jour de l’annonce, l’action a bondi d’environ 7 % et a inscrit un plus-haut historique : le marché a lu « moins de coûts demain, plus de croissance IA ».
BT (télécoms, Royaume-Uni) a, de son côté, cadré jusqu’à 55 000 postes en moins d’ici 2030, dont ~10 000 rendus inutiles par l’IA et l’automatisation sur support et service. Ici, la logique est industrielle : réseaux modernisés, effectifs ajustés.
IBM n’a pas mené de plan massif cette année, mais a posé la doctrine dès 2023 : gel d’embauches sur certaines fonctions back-office et estimation d’environ 7 800 postes remplaçables par IA/automatisation à horizon de quelques années. Le message reste d’actualité : l’IA remplace des tâches plus que des métiers entiers, mais l’addition, au fil des mois, finit par compter.
Microsoft a coupé près de 4 % de ses effectifs à l’été 2025, tout en augmentant ses investissements IA et datacenters : c’est le même mouvement.
Enfin, l’exemple Chegg (éducation en ligne) illustre la pression concurrentielle directe des outils d’IA : – 22 % d’effectifs en mai 2025, puis – 45 % fin octobre au terme d’un « reset » du modèle. Ici, l’IA n’est pas un outil interne : c’est le concurrent qui détourne les usages des étudiants.
Une recomposition plus large des métiers
Les recherches de l’Organisation internationale du travail disent que l’IA remplace rarement un métier entier. Elle automatise plutôt certaines tâches et augmente le travail de beaucoup de salariés. L’effet principal attendu est donc l’adaptation des tâches et des compétences, plus que la disparition totale des emplois. Organisation internationale du travail : Intelligence artificielle générative et emploi – révision 2025
Une étude du Budget Lab (Yale) sur près de trois ans après l’arrivée de ChatGPT n’observe pas de chute brutale de l’emploi au niveau de l’économie. Les auteurs parlent surtout de mouvements de réorganisation, sans preuve d’un “grand remplacement” massif à ce stade. Lire l’étude : Évaluation de l’impact de l’IA sur le marché du travail
En même temps, certaines activités créent des postes. Par exemple, Amazon investit dans des centres de données pour l’IA en Caroline du Nord, avec au moins 500 emplois directs annoncés et des emplois indirects liés aux chantiers et aux fournisseurs. Le groupe embauche aussi chaque année des centaines de milliers de saisonniers pour la fin d’année. Ces créations ne sont pas dans les mêmes métiers ni aux mêmes endroits que les licenciements de bureau. Reuters : Article du 4 juin 2025
Dans le commerce, l’IA sert déjà à mieux guider les clients, à personnaliser les offres, à alléger les retours et à aider les vendeurs en magasin avec des outils numériques. Mais la mise à l’échelle reste difficile à cause des données dispersées et des questions de souveraineté et de protection des données. Le Monde : article du 11 mai 2025
Des organismes internationaux alertent aussi sur les risques d’inégalités si la formation ne suit pas. L’enjeu est de donner aux salariés les moyens d’apprendre et de se reconvertir quand c’est nécessaire.
Ce que cela change pour la formation en commerce, vente et accueil
Dans ces métiers, l’IA enlève surtout des tâches répétitives et de base. La valeur du travail humain se déplace vers l’accueil de qualité, le conseil, la gestion de situations complexes, la résolution de problèmes et la confiance avec le client. Les formations doivent donc renforcer ces compétences relationnelles tout en apprenant à utiliser les outils d’IA comme des assistants. Organisation internationale du travail : Intelligence artificielle générative et emploi – révision 2025
Le travail devient phygital, c’est-à-dire à la fois en magasin et en ligne. Un vendeur doit pouvoir vérifier un stock, commander pour le client, répondre à un message ou à un chat, et comprendre les recommandations d’un outil d’IA. Les élèves doivent s’entraîner sur des boutiques en ligne et en situation réelle pour être à l’aise sur tous les canaux.
En France, l’usage de l’IA au travail progresse et beaucoup d’actifs disent avoir besoin de se former. Cela confirme que la formation continue et la mise à niveau régulière sont devenues indispensables, y compris pour les jeunes en voie pro. Le Monde : article du 11 avril 2025
Concrètement, au niveau lycée pro, il faut apprendre à rédiger de bonnes fiches produit, à répondre à un client avec un ton professionnel, à vérifier des informations générées par l’IA, à respecter la protection des données, et à passer sans stress du magasin au site web. Cela demande des entraînements simples et répétés, puis des projets plus longs, avec des retours clairs de l’enseignant.


